Un projet photovoltaïque maroco-turc stimulant

Le professeur H. El Ghazi du Maroc et le professeur Y.E. Ramazane de Turquie avec le vice-président de l'université Erbakan à Konya, en Turquie (Crédit photo : Haddou El Ghazi)
Le professeur H. El Ghazi du Maroc et le professeur Y.E. Ramazane de Turquie avec le vice-président de l’université Erbakan à Konya, en Turquie (Crédit photo : Haddou El Ghazi)

Une équipe de l’ENSAM Casa au Maroc exploite ses capacités de simulation numérique pour développer une cellule solaire de troisième génération avec des collègues turcs

L’utilisation d’énergies fossiles pour les activités industrielles et les transports contribue au réchauffement de la planète. Les éoliennes et les cellules solaires photovoltaïques sont deux exemples de solutions d’énergie renouvelable idéales pour les régions venteuses ou ensoleillées. Pour accélérer leur développement, les pays émergents doivent étendre leur influence terrestre et spatiale (espace, désert, mer, montagnes, etc.). Ces nations augmentent sans cesse leurs dépenses en recherche et développement, en ciblant des domaines spécifiques en fonction des ressources humaines et économiques disponibles.

En outre, des efforts sont consacrés à l’amélioration des compétences techniques, au partage des connaissances et des technologies au-delà des frontières nationales, et à la promotion de la coopération internationale. Dans ce contexte, un projet scientifique maroco-turc vise à mettre au point des cellules photovoltaïques p-i-n dans le cadre d’une collaboration entre des chercheurs des deux pays, qui se complètent sur les plans théorique et expérimental. Les chercheurs marocains de l’ENSAM CASA (École Nationale Supérieure des Arts et Métiers Casablanca) apportent leur expertise en matière de modélisation et de simulation des phénomènes physiques au sein des cellules photovoltaïques, tandis que les scientifiques turcs du BİTAM (Centre de recherche et d’application des sciences et technologies) développent des dispositifs optoélectroniques utilisant la technologie des couches minces pour produire des cellules solaires de troisième génération, qui ne sont pas encore largement commercialisées.

Tirer parti du pouvoir prédictif de la théorie

L’objectif de cette recherche est de développer une structure solaire fondée sur une jonction p-i-n (p-GaN/InxGa1-xN/n-GaN) pour des applications très variées. Une augmentation progressive de la composition en indium (In) dans la couche intrinsèque InxGa1-xN entraîne une absorption sur une large partie du spectre solaire, car l’énergie de la bande interdite varie le long de la couche. La modélisation et la simulation sont donc essentielles, car elles permettent de calculer et de concevoir différentes cellules et, par conséquent, de rationaliser la conception. En outre, les méthodes standard de fabrication de couches minces connues dans la littérature sont coûteuses et difficiles à mettre en œuvre pour la commercialisation de cellules solaires à base d’InGaN. Afin de réduire le coût de préparation des cellules, les équipes turque et marocaine travaillent ensemble pour résoudre ce problème :

  • lorsque l’équipe turque aura partagé les premiers résultats des mesures photovoltaïques, l’équipe marocaine utilisera ces données comme paramètres d’entrée pour développer des modèles;
  • l’équipe marocaine effectuera des simulations numériques, incluant un ensemble plus large de paramètres d’entrée afin d’identifier ou de prédire les modèles optimaux;
  • l’équipe turque utilisera ces connaissances pour fabriquer un dispositif photovoltaïque final qui sera testé sous vide à des températures comprises entre 77 K et 500 K, afin de simuler les conditions spatiales et désertiques.

Procédure expérimentale

La collaboration a d’abord créé des couches propres de GaN, de GaN dopé au Mg, de GaN dopé au Si et d’InxGa1-xN, sur des substrats de verre et de saphir. Les propriétés des films monocouches sont déterminées à l’aide de la diffraction des rayons X à incidence rasante (GIXRD), de la spectroscopie Raman, de la spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (FTIR), de la mesure de l’épaisseur des films, de la mesure de l’effet Hall, de la microscopie électronique à balayage à émission de champ/spectroscopie à dispersion d’énergie (FE-SEM/EDS), de la profilométrie optique et de la spectroscopie UV-Vis-NIR (UV-visible-proche infrarouge). Le lien entre les paramètres de préparation (par exemple, la concentration, le chauffage et le temps) et les qualités des films est identifié afin que chaque couche soit produite conformément aux suggestions théoriques.

Impact attendu

Cette initiative répond à de nombreux objectifs stratégiques récemment fixés par les gouvernements marocain et turc. Les cellules solaires à base de nitrure sont très stables dans des conditions difficiles, liées à la température, à a corrosion et aux contraintes mécaniques, ce qui les rend adaptées à la production d’énergie durable dans des conditions extrêmes [1] [2] [3] [4] [5] [6]. Le savoir-faire acquis dans le cadre de ce projet soutiendra les programmes spatiaux et antarctiques du gouvernement turc, ainsi que le développement par le gouvernement marocain de centrales électriques dans le désert du Sahara et d’usines de dessalement sur le littoral de l’océan Atlantique, accélérant ainsi la transition énergétique et économique vers un modèle dépollué.

Une opportunité pour le renforcement des capacités

En outre, chaque groupe partage ses connaissances et son expertise scientifique dans le cadre de deux sessions de formation et de deux ateliers prévus dans chaque pays tout au long du projet. Les étudiants de troisième cycle et les scientifiques des universités locales seront aussi les bienvenus à ces réunions. Cette relation permettra ainsi de stimuler et de former de jeunes chercheurs tout en élargissant l’expertise de scientifiques confirmés. À la fin de ce projet, le niveau de maturité technologique (TRL) actuel des cellules photovoltaïques à base d’InGaN devrait passer de TRL3 à TRL4. Le TRL est l’échelle utilisée pour évaluer la maturité technologique d’une innovation avant sa mise en œuvre opérationnelle. En outre, des travaux plus approfondis seront prévus pour atteindre le TRL7 à l’avenir, notamment la construction d’un système pilote intégré.

Haddou El Ghazi, Université Hassan 2, Maroc

Cet article a été publié par l’African Physics Newsletter in April 2025. Il a été traduit en français par Afriscitech avec l’autorisation de l’American Physical Society.

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